Par: Fatou Krubally
La Gambie est confrontée à une crise croissante : de nombreux jeunes veulent désespérément quitter le pays, mais en sont incapables. Une situation que l’expert en migration Muhammed Lamin Dibba qualifie d’« immobilité involontaire ».
S’appuyant sur son expérience de spécialiste des migrations et négociateur en politiques d’IA basé en Suisse, Dibba avertit que ce défi alimente le chômage des jeunes et les troubles sociaux dans tout le pays.
« Le rêve brisé de migrer vers une vie meilleure a donné naissance à une vague de vices sociaux tels que le vol, le meurtre et le suicide », a déclaré Dibba. Il explique que de nombreux jeunes Gambiens rêvent de partir en Europe pour améliorer leurs conditions de vie, mais sont bloqués par des difficultés financières, un manque d’éducation et des opportunités d’emploi limitées dans leur propre pays.
Selon Dibba, ce fossé entre le désir de migrer et la réalité laisse beaucoup de jeunes frustrés et vulnérables, poussant certains à entreprendre des voyages dangereux à travers le désert du Sahara ou la mer Méditerranée. Pour d’autres, l’échec de la migration engendre un sentiment de désespoir pouvant mener à des comportements antisociaux.
Il cite l’exemple de Brikama, dans la région de la côte ouest, pour illustrer l’ampleur du problème. Cette zone représente près de la moitié de la population en âge de travailler, mais plus de 21 % de sa jeunesse est au chômage. « C’est aussi la région qui enregistre le plus grand nombre de migrants, réguliers comme irréguliers », a-t-il noté.
Dibba met en évidence plusieurs causes profondes de cette crise, notamment le décalage entre les compétences acquises par les jeunes et les besoins du marché du travail. Il pointe aussi des programmes scolaires obsolètes, un lien insuffisant entre l’éducation et l’industrie, ainsi que la corruption qui détourne les ressources de développement destinées à l’autonomisation des jeunes.
Pour résoudre ce problème, Dibba exhorte le gouvernement gambien et ses partenaires à se concentrer sur des réformes précoces de l’éducation, la formation professionnelle et le soutien à l’entrepreneuriat. Il appelle également à des programmes de mentorat renforcés et à un meilleur accès au financement afin d’aider les jeunes à construire un avenir viable dans leur propre pays.
« Si nous n’agissons pas maintenant, le défi de la migration des jeunes en Gambie continuera de saper le progrès social et économique du pays », a conclu Dibba.