Par : Haddy Touray
Le retrait sans cérémonie du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO a dominé les discussions des parlementaires de la CEDEAO actuellement réunis à Banjul pour la sixième session législative du Parlement sous-régional.
La réunion délocalisée de cinq jours des commissions conjointes chargées des affaires politiques, de la paix, de la sécurité et du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP)/affaires juridiques et droits de l’homme, commerce, douanes et libre circulation/affaires sociales, genre, autonomisation des femmes et personnes handicapées a débuté lundi sur le thème : « Considérer l’impact politique, socio-économique et humanitaire du retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO ».
Le quatrième vice-président du Parlement de la CEDEAO et chef de la majorité à l’Assemblée nationale de la Gambie, l’honorable Bilay G. Tunkara, s’adressant à la réunion, a déclaré que la CEDEAO incarne, depuis plus de cinq décennies, l’aspiration partagée à un destin commun pour les peuples de la sous-région, soulignant que le bloc sous-régional a su transformer ses nombreux défis en opportunités, faisant de l’Afrique de l’Ouest un modèle de résilience et de coopération.
L’honorable Tunkara a réitéré que des millions de citoyens ont bénéficié de la libre circulation, de marchés intégrés et d’une paix relative grâce à la CEDEAO.
Selon lui, les mécanismes de gestion des crises de la CEDEAO, les infrastructures interconnectées et les politiques sociales progressistes témoignent de sa vitalité, malgré les turbulences.
« Le retrait du Burkina Faso, de la République du Mali et de la République du Niger constitue une fracture sans précédent. Ces pays, piliers stratégiques et démographiques, ont choisi de quitter le navire commun. Ce choix, effectif depuis janvier, menace non seulement nos acquis mais aussi l’avenir de 400 millions de citoyens », a déploré l’honorable Billay Tunkara.
« Politiquement, la CEDEAO perd 20 % de ses membres en raison du retrait de ces pays. Cette érosion, en plus d’affaiblir notre voix sur la scène internationale, risque d’encourager d’autres États à douter du projet communautaire, sapant ainsi notre crédibilité en tant que modèle d’intégration africaine », a-t-il ajouté.
Il a expliqué que le retrait des trois pays affecte également le bloc sous-régional sur les plans sécuritaire, socio-économique et humanitaire, notant que l’impact de ce retrait est multiforme et qu’il doit être traité avec une position commune.
« En matière de sécurité, les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) sont des acteurs clés dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Leur retrait complique le partage de renseignements et les opérations conjointes, alors que les groupes terroristes continuent de menacer nos populations », a souligné le quatrième vice-président du Parlement de la CEDEAO, ajoutant : « Sans coordination, nos mécanismes de prévention des conflits, déjà affaiblis, pourraient montrer leurs limites. Sur le plan socio-économique, le rétablissement de contrôles stricts aux frontières rompt un principe sacré : la libre circulation, les échanges commerciaux, les projets d’infrastructure transfrontaliers et même l’aide humanitaire risquent d’être paralysés. »
L’honorable Tunkara a par ailleurs indiqué que les conséquences à craindre sont les migrations forcées, l’augmentation du chômage, une crise alimentaire aggravée et des populations prises entre insécurité et précarité, déclarant que « sur le plan humanitaire, l’isolement de l’AES pourrait restreindre l’accès à des zones critiques, aggravant les souffrances des plus vulnérables ; les litiges territoriaux, autrefois apaisés par notre médiation, pourraient ressurgir, alimentant de nouveaux cycles de violence ».
Pour sa part, la coprésidente de la commission conjointe du Parlement de la CEDEAO, l’honorable Veronica Kadie Seesay, a déclaré que le retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO « marque un tournant géopolitique profond dans notre unité, ayant de vastes implications sur la stabilité politique, l’intégration économique et la coordination humanitaire au sein de notre communauté ».
« Ce développement nécessite une évaluation rigoureuse et objective des conséquences structurelles, juridiques et socio-économiques qu’implique leur départ », a ajouté l’honorable Seesay, déclarant : « Depuis près de cinq décennies, la CEDEAO s’est imposée comme un pilier de l’intégration régionale, favorisant la paix, la sécurité, la coopération économique et le développement social. Le départ des trois pays perturberait naturellement le cadre institutionnel conçu pour renforcer la sécurité collective, faciliter le commerce et promouvoir le développement humain. Il remettrait également en question l’efficacité de nos mécanismes actuels de résolution des conflits, d’harmonisation des politiques économiques et de protection des droits humains fondamentaux. »